Homework : Kev Brown refait ses devoirs

Kev Brown - Homework - pochette album

A 42 ans, Kev Brown, référence du hip-hop underground, reprend du service pour un deuxième album : Homework. Son précédent opus, son premier, date de 2005. Treize années ont passé, mais le son du producteur issu du Maryland est toujours aussi intact.

Les origines de Kev Brown

Kev Brown est originaire du Maryland, plus précisément de Landover. Son premier album : I do what I do l’a fait connaître par le biais d’un collectif de rappeurs et producteurs : The Low Budget Crew, qui inclut entres autres Oddissee et Ken Starr. Sa marque de fabrique reste incontestablement le séquenceur/sampler MPC 2000xl, dont il est un des pionniers sur YouTube à avoir enregistré ses prestations entre 2005 et 2006 .

 

Séquenceur sampler MPC 2000xl

Son talent a été acclamé par les plus grands, comme Diamond D et Pete Rock. Ses références sont Marvin Gaye, Prince, Special Ed et toute la scène hip-hop des années 80/90 et vous le remarquerez : cela s’entend. Kev Brown a une fois de plus signé sur la label : Redifinition records pour cet album. Définitivement, ce label issu de Washington DC, qui regroupe le non moins talentueux Damu The Fudgemunk, reste un gage de qualité.

La garantie d’un son laid-back

En effet, s’il y a un détail qui peut surprendre de prime abord, il s’agit bien de la sonorité laid-back sur la totalité de l’album. Ce style peut surprendre en 2018, car très peu de MCs actuels l’utilisent, hormis dans la trap, si tant est qu’on puisse qualifier cette dernière comme étant « décontractée », question de point de vue dira-t-on. Kev Brown on work

Kev Brown compte bien en remettre une couche avec ce nouvel album et n’hésite pas à faire écho à d’anciens producteurs mythiques, tels que DJ Premier, Pete Rock, RZA parfois même ou feu J-Dilla. On se croirait presque revenu à l’époque de la sortie de The Listening de Little Brother, où 9th Wonder s’amusait à nous proposer un son frais et limpide.

Kev Brown, quant à lui, reste dans cet esprit de veille créatrice, s’inspirant en grande partie de  classiques Soul. Les amateurs de boucles enivrantes, sombres et de scratches calibrés seront ravis.   S’il y avait un défaut à lui reprocher, il s’agirait de la longueur des titres et de la grande quantité d’interludes instrumentaux. En effet, la majorité des morceaux n’excèdent pas trois minutes. On se retrouve donc avec 29 tracks au total, où se succèdent les titres rappés et les titres instrumentaux. Kev Brown lui-mêmePourtant, les basses lourdes, le flow du MC posé, sa voix grave, nous transportent au fil de ce dernier et ses 50 minutes passent beaucoup plus rapidement qu’on aurait pu le penser. Certes Homework sonne old school, cependant, sans tomber dans le boom bap ultra classique d’un duo comme People Under The Stairs, par exemple. Il est le fruit d’un savoir-faire rodé, synonyme de d’authenticité et d’amour du hip-hop.

 

A noter également qu’aucun refrain chanté n’est présent sur la totalité des titres et que les featurings se limitent à deux/trois invités. Homework est un album intimiste et classique, dans le sens laudatif du terme, vous l’aurez compris. Toutefois, Léonard de Vinci ne disait-il pas que : la simplicité est la sophistication suprême ?

Kev Brown : Homework – Playlist YouTube

Eligh : Last house on the block, son nouvel album

Eligh - Last house on the block

Amateurs de rap indépendant, si vous ne connaissez pas Eligh, il serait peut-être temps d’y remédier, notamment via son nouvel album : Last house on the block. Le MC/producteur des Living Legends est de retour après trois ans d’absence. Après tout, on ne peut pas lui reprocher de se tourner les pouces, vu que le bougre en est à son 19ème album en 23 ans de carrière.

Un certain retour aux sources ?

Que nous apporte donc le corbeau gris grey crow comme il aime être appelé depuis presque 20 ans ?  On se rend compte de suite que l’on n’est plus sur la trap expérimentale de 80 Hertz et qu’on dépasse les beats légers qui composaient Nomads, pour plus surfer sur ce qu’a pu réaliser l’artiste au milieu des années 2000, comme Enigma pour ne pas citer ce fantastique album. Eligh : Gandalf's Beat Machine

Un opus de 18 titres vient donc renouer avec les beats spatiaux intrinsèques à Eligh. Cela a un côté rassurant, car après être sorti d’une très mauvaise passe liée à son addiction à l’alcool et à l’héroïne, Eligh était revenu en 2010 avec un album : Grey Crow, que personnellement je qualifierais de très moyen, car très calqué sur les poncifs de l’époque avec de  l’autotune en veux-tu en voilà (qui entre nous est devenu la norme pour le rappeur, voire le chanteur moyen actuel), le comble pour un album underground, vivier contestataire du hip-hop bling bling me direz-vous… Toutefois c’était l’opus de la renaissance, donc on lui pardonnera cet essai, car s’il y a une qualité que possède Eligh, c’est bien la prise de risque. Je vous suggère de tendre votre oreille vers des projets tels que les albums instrumentaux Gandalf Beat Machine ou plus récemment son implication dans le groupe Grand Taprestry, mélange de rap et de musique indienne.

Et questions invités : qui est de la partie ?

The Grouch and Eligh photo

Les invités de Last house on the block sont nombreux, mais laissent la part belle à la mitraillette vocale qu’est Eligh et ne cherchent pas à en faire des tonnes. Pour les plus connus, le vieux New Yorkais de la vieille R.A. The Rugged Man et autres amis de longue date comme les Zion I sont présents. A noter également que son grand pote The Grouch, autre pilier des Living Legends avec Sunspot Jonz prête son flow par deux fois, chose qui n’avait pas été le cas sur l’album précédent : 80 Hertz. On ne les avait pas entendu rapper l’un à côté de l’autre depuis leur triple album qu’ils avaient réalisé en commun, il y a de de cela six ans : The Tortoise & The Crow. A noter qu’un des MC des Dilated Peoples : Evidence fait également une apparition.

Eligh toujours aussi underground ?

On ne peut répondre à cette question que de manière positive. Grey Crow a réellement choisi son camp et semble avoir définitivement décidé de concrétiser son dévouement à l’underground, par le biais de la plateforme de crowdfunding : Patreon. En effet, qu’y a-t-il de plus indépendant que de vouloir développer sa marque directement par l’intermédiaire de ses fans ? Peinture de femme réalisée par Eligh

 

Pour rappel, Last house on the block comporte 18 titres, dont 16 ont été entièrement produits par Eligh lui-même. Si on fait le compte, sur ses 19 albums, 90% des pistes musicales sont issues de l’esprit créatif du MC californien. Eligh, pour ceux qui ne le savent pas, n’est pas qu’un rappeur et producteur, il est également dessinateur et peintre. Ne pas faire appel aux majors est peut-être un risque à prendre quand on souhaite se donner à fond dans ce qu’on aime faire.

 

 

Eligh – The last house on the block – playlist YouTube

 

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