Interview Keith Mars : du rap moderne à la saveur d’antan

Keith Mars : Long time, no speak. Il s'agit d'un visuel que j'ai créé afin d'illustrer mon interview de ce jeune rappeur. #rap #undergroundhiphop #rapindependant #music #mixtape #keithmars #longtimenospeak

La première fois que j’ai écouté Keith Mars et sa mixtape Long time, no speak, j’ai reçu une énorme gifle : j’ai réalisé que le rap indépendant américain n’était pas mort. Du moins, ce style en particulier qui n’est plus la norme actuelle, une certaine forme de boom bap, accompagnée par des boucles. J’entends par là qu’aujourd’hui, il est rare d’entendre autre chose que de la trap, avec des flows mous comme des vieux chamallows. Pire, le pompon si ces derniers sont entièrement fredonnés via autotune, alias le « cache misère » de ces dix dernières années. Merci Kanye au fait…

Du hip-hop classique saupoudré d’effets contemporains

En effet, je ne suis pas fanatique du style trap, vous vous en rendrez compte au fur et à mesure de mes prochains articles, consacrés au rap indépendant. Voyons ! Arrête d’être autant digressif Gui et reviens donc au sujet ! Il faut reconnaître que la plateforme SoundCloud est une mine d’or. On y trouve de tout et manifestement, peu de hip-hop dit : classique, en tout cas pas comme Keith Mars me l’a fait ressentir, car oui, j’ai vécu un grand moment de hip-hop, la première fois que j’ai entendu ce jeune MC.

Keith Mars en concert - #concert #rap #undergroundhiphop #hiphop #rapindependant

Pour commencer, ce mec possède un flow génial. Me permettrez-vous de le comparer à celui de Jay-Z, à ses débuts ? En tout cas, j’en prends la responsabilité. Par ailleurs, il a su s’entourer de producteurs géniaux, eux aussi issus de la scène indépendante. Citons par exemple B. Young ou Yondo, qui ont  notamment bossé avec le label néerlandais Chillhop, dont je vous recommande la chaîne Youtube. Celle-ci streame du hip-hop instrumental loungy de très bonne qualité. Bref, les producteurs suscités arrivent à créer une ambiance décontractée du plus bel effet. Je n’avais rien entendu de tel depuis Joey Bada$$ et son opus B4.DA.$$, bien que d’après moi, ce dernier n’arrive pas à la cheville de cette « simple » mixtape. Cependant, ça n’engage que moi, bien entendu.

Après le constat, place à l’interview de Keith Mars

Bon sang, le rap n’était-il pas mort depuis 10 ans ?  A priori non. De jeunes prodiges sont là pour nous le prouver. Damn ! Il faut que je me remette de toutes ces émotions ! Après m’être bien imprégné de la mixtape de Keith Mars : Long time, no speak, qui n’a d’ailleurs rien à envier à un album en tant que tel, je brûlais d’envie de lui consacrer une interview. Il m’a accordé un peu de son temps et je vais par conséquent vous en faire profiter.

Keith Mars en studio - #studio #rap # rapindependant #hiphop #undergroundhiphop #keithmars

GuiDaFunkyMan : Salut Keith ! Pourrais-tu te présenter ?

Keith Mars : Yo ! Comment ça va ? Mon nom est Keith Mars. Je suis un artiste de hip-hop underground et je viens de Nashville, dans le Tennessee. Je me suis consacré au rap à temps plein, une fois que j’ai quitté le lycée. J’ai alors signé auprès d’un label indépendant. Par la suite, j’ai participé à des concerts et j’ai réalisé quelques singles. Un jour, d’un commun accord, mon label et moi avons décidé de mettre un terme à notre contrat. Ça s’est passé de la manière la plus cordiale possible et cela m’a permis de me lancer à corps perdu en tant qu’indépendant. C’est ce que je souhaitais, en fait. Le 15 juin dernier,  j’ai sorti ma toute première mixtape : Long time, no speak. Que les gens n’hésitent pas à l’écouter et à m’apporter leur soutien !

GDFM : Quelles sont tes influences dans le hip-hop ?

KM : Sans aucun doute Wiz Khalifa et Curren$y. Ces types savent entretenir le « game ». Ils travaillent aussi leur image à n’importe quel prix et j’aime cela.

GDFM : Quel message souhaites-tu faire passer ?

KM : Je dirais que mon message principal est qu’il faut se bouger et se battre pour ce que l’on croit. Ne rien laisser nous arrêter, même nous-mêmes. 

GDFM : A l’heure actuelle, le rap repose essentiellement sur le style trap. Pourquoi n’as-tu pas choisi ce dernier ?

KM : J’ai choisi un son classique, car j’ai l’impression que mon message était tout simplement plus classique et que la trap ne lui conviendrait pas. D’ailleurs, mon producteur préféré est B Young, qui vient du Rhode Island. Nous ne nous sommes pas officiellement rencontrés, mais j’aimerais y remédier.

GDFM : Tu sembles n’appartenir à aucun label pour le moment. En as-tu en vue ou préfères-tu garder ton indépendance ?

KM : Depuis mon tout premier partenariat, je n’ai pas renouvelé l’expérience. Tout dépend de ce qu’on me proposera, je reste ouvert à toute opportunité.

GDFM : Merci beaucoup Keith, je te souhaite une bonne continuation et beaucoup de réussite !

KM : J’apprécie ton attention. Je te souhaite aussi beaucoup de bonheur et de réussite !

Pas de conclusion hâtive, bien que l’espoir renaisse

Keith Mars en concert - #keithmars #concert #rap #undergroundhiphop #rapindependantUne chose m’a quelque peu intrigué lors de cette interview. Il s’agit des références du jeune rappeur. En effet, je ne m’attendais absolument pas à ce qu’il me cite Wiz Khalifa et Curren$y. J’aurais plus parié sur Little Brother, groupe underground de Caroline du Nord, qui avait éclaté au début des années 2000 et qui aurait plus coïncidé avec la situation géographique de Keith ou sur J-Dilla, figure du hip-hop middleground que je ne présenterai pas. Comme quoi, avoir délaissé le monde du rap pendant près de 10 ans m’a donné comme qui dirait : un coup de vieux. Les standards ne sont plus ce qu’ils étaient.

 

Si j’ai une requête à te faire Keith, j’espère de tout cœur que tu sauras garder ta ligne de conduite. Nombreux sont ceux à être tombés dans les méandres de la facilité et du bling bling. Toujours est-il que je vous suggère, mes chers lecteurs, de découvrir la superbe mixtape de Keith Mars. Pour cela, je vous mets à disposition son lien SoundCloud, ainsi que sa chaîne YouTube, afin que vous puissiez vous plonger dans cette balade sonore qu’est Long time, no speak.

Keith Mars sur YouTube

Homework : Kev Brown refait ses devoirs

Kev Brown - Homework - pochette album

A 42 ans, Kev Brown, référence du hip-hop underground, reprend du service pour un deuxième album : Homework. Son précédent opus, son premier, date de 2005. Treize années ont passé, mais le son du producteur issu du Maryland est toujours aussi intact.

Les origines de Kev Brown

Kev Brown est originaire du Maryland, plus précisément de Landover. Son premier album : I do what I do l’a fait connaître par le biais d’un collectif de rappeurs et producteurs : The Low Budget Crew, qui inclut entres autres Oddissee et Ken Starr. Sa marque de fabrique reste incontestablement le séquenceur/sampler MPC 2000xl, dont il est un des pionniers sur YouTube à avoir enregistré ses prestations entre 2005 et 2006 .

 

Séquenceur sampler MPC 2000xl

Son talent a été acclamé par les plus grands, comme Diamond D et Pete Rock. Ses références sont Marvin Gaye, Prince, Special Ed et toute la scène hip-hop des années 80/90 et vous le remarquerez : cela s’entend. Kev Brown a une fois de plus signé sur la label : Redifinition records pour cet album. Définitivement, ce label issu de Washington DC, qui regroupe le non moins talentueux Damu The Fudgemunk, reste un gage de qualité.

La garantie d’un son laid-back

En effet, s’il y a un détail qui peut surprendre de prime abord, il s’agit bien de la sonorité laid-back sur la totalité de l’album. Ce style peut surprendre en 2018, car très peu de MCs actuels l’utilisent, hormis dans la trap, si tant est qu’on puisse qualifier cette dernière comme étant « décontractée », question de point de vue dira-t-on. Kev Brown on work

Kev Brown compte bien en remettre une couche avec ce nouvel album et n’hésite pas à faire écho à d’anciens producteurs mythiques, tels que DJ Premier, Pete Rock, RZA parfois même ou feu J-Dilla. On se croirait presque revenu à l’époque de la sortie de The Listening de Little Brother, où 9th Wonder s’amusait à nous proposer un son frais et limpide.

Kev Brown, quant à lui, reste dans cet esprit de veille créatrice, s’inspirant en grande partie de  classiques Soul. Les amateurs de boucles enivrantes, sombres et de scratches calibrés seront ravis.   S’il y avait un défaut à lui reprocher, il s’agirait de la longueur des titres et de la grande quantité d’interludes instrumentaux. En effet, la majorité des morceaux n’excèdent pas trois minutes. On se retrouve donc avec 29 tracks au total, où se succèdent les titres rappés et les titres instrumentaux. Kev Brown lui-mêmePourtant, les basses lourdes, le flow du MC posé, sa voix grave, nous transportent au fil de ce dernier et ses 50 minutes passent beaucoup plus rapidement qu’on aurait pu le penser. Certes Homework sonne old school, cependant, sans tomber dans le boom bap ultra classique d’un duo comme People Under The Stairs, par exemple. Il est le fruit d’un savoir-faire rodé, synonyme de d’authenticité et d’amour du hip-hop.

 

A noter également qu’aucun refrain chanté n’est présent sur la totalité des titres et que les featurings se limitent à deux/trois invités. Homework est un album intimiste et classique, dans le sens laudatif du terme, vous l’aurez compris. Toutefois, Léonard de Vinci ne disait-il pas que : la simplicité est la sophistication suprême ?

Kev Brown : Homework – Playlist YouTube

Eligh : Last house on the block, son nouvel album

Eligh - Last house on the block

Amateurs de rap indépendant, si vous ne connaissez pas Eligh, il serait peut-être temps d’y remédier, notamment via son nouvel album : Last house on the block. Le MC/producteur des Living Legends est de retour après trois ans d’absence. Après tout, on ne peut pas lui reprocher de se tourner les pouces, vu que le bougre en est à son 19ème album en 23 ans de carrière.

Un certain retour aux sources ?

Que nous apporte donc le corbeau gris grey crow comme il aime être appelé depuis presque 20 ans ?  On se rend compte de suite que l’on n’est plus sur la trap expérimentale de 80 Hertz et qu’on dépasse les beats légers qui composaient Nomads, pour plus surfer sur ce qu’a pu réaliser l’artiste au milieu des années 2000, comme Enigma pour ne pas citer ce fantastique album. Eligh : Gandalf's Beat Machine

Un opus de 18 titres vient donc renouer avec les beats spatiaux intrinsèques à Eligh. Cela a un côté rassurant, car après être sorti d’une très mauvaise passe liée à son addiction à l’alcool et à l’héroïne, Eligh était revenu en 2010 avec un album : Grey Crow, que personnellement je qualifierais de très moyen, car très calqué sur les poncifs de l’époque avec de  l’autotune en veux-tu en voilà (qui entre nous est devenu la norme pour le rappeur, voire le chanteur moyen actuel), le comble pour un album underground, vivier contestataire du hip-hop bling bling me direz-vous… Toutefois c’était l’opus de la renaissance, donc on lui pardonnera cet essai, car s’il y a une qualité que possède Eligh, c’est bien la prise de risque. Je vous suggère de tendre votre oreille vers des projets tels que les albums instrumentaux Gandalf Beat Machine ou plus récemment son implication dans le groupe Grand Taprestry, mélange de rap et de musique indienne.

Et questions invités : qui est de la partie ?

The Grouch and Eligh photo

Les invités de Last house on the block sont nombreux, mais laissent la part belle à la mitraillette vocale qu’est Eligh et ne cherchent pas à en faire des tonnes. Pour les plus connus, le vieux New Yorkais de la vieille R.A. The Rugged Man et autres amis de longue date comme les Zion I sont présents. A noter également que son grand pote The Grouch, autre pilier des Living Legends avec Sunspot Jonz prête son flow par deux fois, chose qui n’avait pas été le cas sur l’album précédent : 80 Hertz. On ne les avait pas entendu rapper l’un à côté de l’autre depuis leur triple album qu’ils avaient réalisé en commun, il y a de de cela six ans : The Tortoise & The Crow. A noter qu’un des MC des Dilated Peoples : Evidence fait également une apparition.

Eligh toujours aussi underground ?

On ne peut répondre à cette question que de manière positive. Grey Crow a réellement choisi son camp et semble avoir définitivement décidé de concrétiser son dévouement à l’underground, par le biais de la plateforme de crowdfunding : Patreon. En effet, qu’y a-t-il de plus indépendant que de vouloir développer sa marque directement par l’intermédiaire de ses fans ? Peinture de femme réalisée par Eligh

 

Pour rappel, Last house on the block comporte 18 titres, dont 16 ont été entièrement produits par Eligh lui-même. Si on fait le compte, sur ses 19 albums, 90% des pistes musicales sont issues de l’esprit créatif du MC californien. Eligh, pour ceux qui ne le savent pas, n’est pas qu’un rappeur et producteur, il est également dessinateur et peintre. Ne pas faire appel aux majors est peut-être un risque à prendre quand on souhaite se donner à fond dans ce qu’on aime faire.

 

 

Eligh – The last house on the block – playlist YouTube

 

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